Le regard de Paul, formateur à la retraite et bénévole à l'association Emmaüs Connect. Il nous raconte son engagement et nous partage ses conseils pour dispenser une formation efficace autour des outils digitaux.
Peux-tu nous raconter ton parcours en quelques mots ?
J’ai eu plusieurs vies professionnelles puisque j'ai d’abord été journaliste, photographe puis j'ai travaillé dans la distribution de la presse. J'ai fini ma carrière comme formateur dans les métiers de la presse. Je formais notamment les diffuseurs de presse au métier de vendeur comprenant l'aspect commercial et technique.
Tu es aujourd'hui à la retraite, comment est né ton engagement pour l'inclusion numérique ?
J’avais l’intention de faire du bénévolat à la retraite et j'ai lu un article sur l’association Emmaüs Connect qui a confirmé ma conviction que le public fragile avait vraiment besoin qu'on les aide avec le numérique. On le voit au quotidien, le numérique est indispensable pour avoir accès aux notes de ses enfants ou encore trouver un emploi. Cela avait donc beaucoup de sens à mes yeux d'apporter ma contribution à cette association. Lorsque je suis arrivé en 2018 chez Emmaüs Connect, j’ai rencontré des bénévoles et des salariés de l'association qui ont un fort engagement et ma rencontre avec eux a été tout de suite été très enrichissante.
Comment se traduit ton engagement pour l'association ?
J'ai plusieurs missions. Je fais des permanences connectées où là, les personnes qui viennent nous voir rencontrent une difficulté comme faire une déclaration en ligne ou envoyer une pièce jointe par mail. Il faut aider les bénéficiaires mais toujours avec l’idée de les rendre autonomes, on ne fait surtout rien à leur place ! Et j’anime et je participe à des ateliers d’initiation aux outils digitaux. En arrivant chez Emmaüs Connect, j’ai constaté un manque de professionnalisme dans l’animation de ces ateliers car les bénévoles ne sont pas au départ des formateurs. J'ai donc partagé mon expertise en formant des bénévoles à animer efficacement ces ateliers. J'essaie aussi de leur donner envie d’animer des formations et être à l'aise avec la prise de parole en public. Lors de ces 6 ateliers, il y a également des accompagnants pour aider les formateurs, les rôles de chacun sont maintenant bien définis.
Qu'est-ce qu'une formation efficace pour favoriser la prise en main de nouveaux outils ?
1. Créer une dynamique de groupe Une formation se mène en respectant des règles. On commence toujours par faire un tour de table, chacun se présente et exprime la raison qui l'amène à vouloir faire ces ateliers. Cela permet aussi de voir le niveau du groupe car il est souvent hétérogène. C'est important que le groupe soit soudé quel que soit le niveau de chacun.
2. Partir des usages En partant des usages, tout devient très concret. On fait du pratique par rapport aux envies et aux besoins du groupe. Pendant les ateliers, nous montrons les possibilités qu'offre internet, pour ma part, je leur montre ma maison ou Venise en direct. On parle même de site de rencontre. L'enjeu est de faire passer le numérique d'une contrainte à une opportunité.
3. Prendre du temps sur le matériel
Nous mettons l’accent sur la prise en main de la souris par exemple. C’est la base comme le maniement du stylo. On remarque que ceux qui décrochent sont ceux qui manipulent mal la souris. En fait, le seul contact que les bénéficiaires ont avec le numérique est la plupart du temps via le smartphone, ils n'ont jamais utilisé autre chose que le tactile.
4. Apprendre avec les erreurs
Il faut lever les inquiétudes liés aux outils et cela passe par les erreurs. Il faut les laisser se tromper, repartir du début et le refaire avec eux. Les bénéficiaires doivent trouver tout seul ce qui ne va pas. L’objectif de ces 6 séances est que la personne soit à la fin, autonome sur un ordinateur que ce soit pour traiter une pièce jointe, ranger une photo dans un dossier, remplir un formulaire en ligne, télécharger une application.. Il y a aussi beaucoup de désinformation sur la sécurité qui engendre une vraie peur, il faut donc rassurer et donner les bonnes pratiques. Ouvrir un mail n’est pas dangereux mais on ne donne pas ses codes !
Finalement, il y a urgence à former tout le monde au numérique ?
Le numérique est le langage que tout le monde doit parler. On ne peut pas dire : "je suis pour" ou "je suis contre", on n’a pas le choix ! Et il y a un vrai risque d’exclusion. La question qu'on doit se poser est : que fait-on des gens qui ne savent pas faire ? Il faut des lieux où les gens puissent faire leurs démarches en ligne et être aidés. En réalité, les personnes les plus touchées par l'exclusion numérique sont les personnes en grande difficulté car elles ne consomment pas et sont donc moins entendues. Les seniors retraités sont plus écoutés par les marques, ils ont un pouvoir d’achat. Il s'agit ici de donner la possibilité à tous de "communiquer avec l'extérieur".
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